vendredi 25 novembre 2011

L'élagage qui fait peur


C’est un fait connu que le corps humain en période de famine se met au ralenti et puise d’abord dans ses muscles l’énergie dont il a besoin avant de s’attaquer à son gras et qu’en période d’abondance, il fait des provisions pour les prochaines famines qui, selon son expérience, surviendront inévitablement.

C’est un peu la même chose avec les bibliothèques scolaires. Bien que partout on nous répète (mais qui le dit ?) que les rayons des bibliothèques scolaires sont vides, ce n’est pas le cas. En fait, dans la majorité de la province, ils croulent sous le poids des livres. Si cela vous étonne, sachez que cela a un peu à voir avec le Plan de la lecture du MELS et beaucoup à voir avec le passé…

Ce passé que l’on sait si peu habité par des bibliothécaires, si peu empli d’espèces sonnantes, si pauvre en ressources de toutes sortes, que cela nous a amené directement à des étagères bondées de livres qui auraient dû prendre leur retraite depuis un bon bout de temps déjà.

Vous l’avez peut-être compris, dans bon nombre de bibliothèques scolaires du Québec – du moins de ce que j’en sais –, la moyenne d’âge des livres est parfois plus que consternante.

Outre l’absence de personnel adéquat, les bibliothèques scolaires ont souffert de ce syndrome du corps qui a vécu une famine, qui le sait et qui veut éviter de repasser par des privations dans le futur. Les enseignants, principalement, ont peur d’élaguer le moindre bouquin. Bien souvent, les livres empruntés le plus sont réparés jusqu’à ce qu’ils ressemblent à une étrange courtepointe de rubans adhésifs et à une sorte de chose molle aux coins arrondis, usée par trop de mains et à la limite grasse. Pour les autres, ceux qui ne sortent pas ou plus, qui ne sont jamais empruntés, ni même effleurés du regard et qui ont l’âge des parents de ces enfants qui ne les veulent pas, il n’est pas possible d’y toucher. « On ne sait jamais » ou « On ne peut PAS jeter de livres ! » (et souvent le regard horrifié et plein d’incompréhension accompagne ces mots). À cela s’ajoute un « Une bibliothécaire ça ne jette pas de livres ! » plein de force et de conviction. Quand je secoue la tête et que je dis en souriant « Oui oui ça jette des livres une bibliothécaire. Les livres vieux, poussiéreux, qui sentent le moisi, des livres sans intérêt, plates, mortellement ennuyeux, des livres qui ont manqué de peu la Deuxième Guerre Mondiale, ceux qui ont vu la Révolution Tranquille ou Octobre 70, les livres qui ne répondent pas aux besoins des jeunes, ceux qui ont été vraiment bons, mais qui ne marchent plus vraiment aujourd’hui, les livres qui ont plus de deux exemplaires qui ne sortent pas… Une bibliothécaire ça jette même les livres qu’elle a lus étant petite, car elle n’a plus 8 ans, mais 33 ans et ça signifie que même si elle a bien vieilli, ce n’est peut-être pas le cas pour les livres qu’elle a aimés. » Vous l’auriez probablement compris, je ne parle pas ici des classiques ni des bijoux littéraires qui n’ont besoin que d’un petit coup de pouce pour être encore sous les projecteurs, mais de tous ceux nommés plus haut.

Que se passe derrière cette peur de faire du ménage dans les rayons, d’enlever ce qui ne sert plus ou n’a jamais servi et qui accumule la poussière du temps tranquillement ? La peur de la famine, voilà.

Honnêtement, on ne peut pas leur en vouloir et on doit les comprendre. Les enseignants ont vécu les années de vaches maigres, des années où les budgets étaient si minces qu’il y en avait à peine pour quelques pauvres achats de livres par année. Alors il est normal de ne pas jeter ce qu’on ne possède pas en grande quantité et qui nous semble une mine d’or. En observant leurs étagères bien garnies, ils sont rassurés. Ils peuvent affronter les tempêtes budgétaires, ils sont prêts ! Je les amène donc calmement à réfléchir au tort que ces livres qui ne sortent pas causent à tous ces autres livres intéressants, drôles, stimulants, magiques qui n’attendent que les mains et les yeux avides des enfants pour s’animer. La quantité, c’est bien que je leur dis, mais quand elle est jointe à la qualité. En voyant toutes ces rangées de livres bien tassés, souvent poussiéreux, les élèves n’éprouvent pas l’envie de butiner longuement afin de dénicher LE livre qui les emportera. Ils se tournent vers des séries ou des collections connues, vont vers les BD populaires ou prennent le premier livre qui leur tombe sous la main sans grand enthousiasme car ils n’ont pas pu chercher sur les étagères trop encombrées de documents qui ont l’air vieux et qui ne les intéressent pas.

Les enseignants ne demandent qu’à être convaincus et surtout rassurés. Le Plan sur la lecture du MELS et les budgets qui ont en découlé ne sont peut-être pas éternels ni renouvelables à perpétuité (il faut être réaliste), mais il leur a permis de renouveler leurs collections, d’acquérir des documents qui correspondent plus aux intérêts actuels des jeunes d’aujourd’hui, bref, de permettre cette fameuse rencontre entre le lecteur et SON livre. Seulement, si ces beaux livres tout neufs et pimpants sont perdus dans la multitude des sans intérêt, des trop vieux, ils ne seront ni visibles ni accessibles et ne feront le bonheur de personne.

Le plus étonnant quand ils acceptent de faire un élagage (en ma compagnie car ils veulent s’assurer de faire des choix judicieux et adéquats), c’est qu’après quelques minutes de l’exercice, on voit l’enthousiasme les gagner. Ils s’aperçoivent vite en mettant leur nez attentif dans leurs rayons combien de bois mort il y a. Ils apprennent à connaître l’année de publication d’un ouvrage et il est presque drôle de constater leur effarement lorsqu’ils découvrent que le livre qu’ils tiennent est plus vieux qu’eux ou traite d’un sujet si étranger à notre vie d’aujourd’hui qu’il apparaît barbare à notre mentalité. Parfois aussi, il faut freiner leur enthousiasme, car en ne se fiant qu’à l’année de publication, on risque de passer à côté de classiques. Ce ne sont pas tous les enseignants qui ont une connaissance élargie de la littérature jeunesse, la vigilance est donc de mise et c’est pourquoi ils sont heureux de mon accompagnement. Il est aussi drôle de les entendre s’exclamer de plaisir lorsqu’ils tombent sur un livre qu’ils aiment et qu’ils ne savaient pas sur leurs rayons. Ils redécouvrent leur bibliothèque, l’explore presque à la manière des enfants et, ainsi, prennent conscience des merveilles encore inexploitées qu’elle recèle. Si le doute subsiste à propos d’un livre, on peut s’aider des statistiques de Regard pour nous aider à prendre une décision à son sujet. On ne néglige aucun outil !

Élaguer, les enseignants qui participent à cette action le comprennent bien, ce n’est pas tout mettre à la poubelle. C’est effectuer une sélection attentive et consciencieuse des documents que l’on veut conserver afin de les exploiter et rendre notre bibliothèque vivante, accessible et qui vient soutenir le programme de formation tout autant que répondre aux besoins et intérêts des élèves. C’est un peu comme faire le ménage de réfrigérateur. Même si notre fameux pot de « relish » n’a pas de date de péremption dessus, si on ne l’a ouvert que deux fois en quatre ans, peut-être devrions-nous reconsidérer sa place dans le frigo…

lundi 21 novembre 2011

Mais où sont les loups dans la bibliothèque?

Cela fait déjà plus d’un an et demi que je suis entrée dans le monde des bibliothèques scolaires. Cette année m’a permis, entre autres, de me faire une idée des diverses problématiques qui ont cours dans les bibliothèques de la commission scolaire. Comme nous avons été relégués aux oubliettes pendant si longtemps, comment pouvons-nous nous attendre à ce que les gens reconnaissent immédiatement tout notre savoir-faire et nos aptitudes? Il faut, en grande majorité, partir de zéro. Il faut expliquer, convaincre, argumenter, expliquer encore et démontrer tout ce que la bibliothécaire et la bibliothéconomie peuvent apporter de bon au monde scolaire. Et aux bibliothèques scolaires.

L’un des problèmes les plus fréquemment rencontrés est celui du système de classement des livres sur les rayons. Dewey est le système par défaut dans mon milieu. Le catalogue collectif des écoles primaires ne permet pas à une école de faire des modifications particulières à la classification sans affecter toutes les autres bibliothèques du réseau. Il est donc théoriquement impossible de se fabriquer soi-même un système de classification. Je dis théoriquement, car la réalité est tout autre. 

L’effet de l’absence des bibliothécaires et celui d’un personnel de la documentation débordé et réduit en nombre a entraîné une perte continue de la compréhension sur le pourquoi et le comment de l’organisation d’une bibliothèque.

Les enseignants, ne sachant plus à quoi sert Dewey, bien trop aride et mystérieux pour l’œil du néophyte, ont décidé de s’approprier les livres et de les classer en un quelque chose de plus compréhensible pour eux. Cela a donné naissance à des classements maison de type collections, éditions et séries parmi lesquels règnent souvent la confusion la plus totale entre les trois (car la Courte échelle, vous en conviendrez, n’est pas une collection, mais une maison d’édition). Zoombira passe devant Québec-Amérique. L’alphabet est ainsi refait et « Z » vient avant « Q ». Parfois, ce sont le format et la couleur du livre qui guident le classement. Certains créent même un savant système d’autocollants avec des images représentants des thématiques ou tout simplement des petites pastilles de couleur signifiant quelque chose de bien précis pour celui ou celle qui l’a décidé ainsi. Que se passe-t-il quand la personne qui a inventé ce système quitte? De façon générale, ses connaissances partent avec elle…et la confusion s’installe chez ceux qui restent.

Je dois dire que de façon générale, c’est la fiction qui goûte à ce traitement particulier, mais j’ai vu aussi des documentaires organisés partiellement de cette façon. On m’a déjà dit que les animaux avaient tous été regroupés ensemble…selon leurs collections respectives. 

Tous les livres de la collection les « Yeux de la découverte » se retrouvent donc regroupés ensemble. Cette collection traite de sujets extrêmement variés et qui n’ont souvent absolument aucun lien entre eux.  

Comment font-ils pour se repérer? C’est là ma grande question que je n’hésite d’ailleurs pas à poser. Je tente de garder mon calme et je leur demande donc : mais où sont les livres qui traitent des loups? La réponse ne vient pas, car il n’y en a pas. À moins d’être doué d’une mémoire sans faille, comment savoir dans quelles collections on peut retrouver tous les livres qui portent sur les loups ou ceux qui ont un loup comme personnage principal? 

Je conviens qu’esthétiquement parlant, de belles rangées de livres de même couleur et de même format, c’est plaisant, mais ça ne sert absolument à rien si je ne peux pas retrouver tel livre qui traite des hommes préhistoriques ou des roches et minéraux. La recherche d’un titre en particulier devient particulièrement pénible, à cause de cette organisation aléatoire, et malheur au livre qui ne fait pas partie d’une collection! Il va tomber dans le donjon de la section DIVERS!

Les compétences informationnelles que les jeunes devraient acquérir ont leur base entre les murs de leur bibliothèque scolaire. D’où l’immense besoin de formation et d’orientation sur l’organisation et le classement en bibliothèque, sur la recherche au catalogue et sur le Web.
Je ne souhaite pas que mes propos soient interprétés de façon négative. Je constate les faits, parfois avec un peu d’humour car il en faut, mais je ne dirai pas que les bénévoles, enseignants, directions et autres qui ont tenté de faire fonctionner une bibliothèque au meilleur de leurs connaissances n’ont fait que des erreurs. Ils ont fait de leur mieux, c’est tout. Puis-je être juge de « leur mieux »? Peut-être bien, mais je ne le ferai pas. Je suis là pour aller les rencontrer afin de les aider à améliorer leur bibliothèque, à faire de cet endroit un milieu propice à la recherche, mais aussi à la lecture de pur plaisir. S’ils décident ensuite de poursuivre dans des façons de faire qui ne sont ni logiques, ni productives, ni éducatives (à mon sens), je devrai en faire mon deuil.

Je suis cependant convaincue de la pertinence et de la nécessité de notre travail en milieu scolaire. Avec l’année scolaire qui vient de recommencer, je constate à quel point notre expertise, nos connaissances et notre enthousiasme peuvent apporter des bienfaits extraordinaires aux élèves de nos écoles. Je crois que tout jeune a droit à l’accès à une collection cohérente, organisée, mise à jour, diversifiée, stimulante tant au niveau ludique qu’intellectuel, qui correspond à ses goûts et qui vient aussi soutenir le programme de formation de l’école québécoise. Je sais que tous les élèves méritent cela, peu importe s’ils sont lecteurs ou non. Il faut multiplier les rencontres avec les livres si on veut qu’un jour qu’ils lisent. C’est indéniable. Cependant, ce ne sont pas les élèves qu’il faut convaincre : ce sont les enseignants, les directions d’école que leur bibliothèque est un pivot essentiel à la motivation et à la réussite scolaire. Certains y croient dur comme fer, pour d’autres, ils ont besoin de preuves et ne voient pas trop ce que des livres et un espace accueillant et organisé peuvent avoir comme influence sur les jeunes. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, mais un manque de compréhension envers la mission de la bibliothèque scolaire. Ils ne savent pas toutes les merveilles qu’elle recèle. Il faut simplement leur montrer.

Alors, mon leitmotiv est : Former, former, former, instruire et partager (mes connaissances, mon enthousiasme et ma bonne humeur).

Petit conseil à tous/toutes les nouveaux/nouvelles bibliothécaires en milieu scolaire et à tous ceux et celles qui aspirent à y travailler : Soyez convaincu-e de ce que vous faites. Allez là où on veut de vous, soyez positif et enthousiaste (surtout enthousiaste, c’est contagieux je vous l’assure), ne prenez rien personnel, lâchez-prise et créez des partenariats avec des acteurs qui sont aussi convaincus que vous (certains ne demandent qu’à être convaincus). 

Nous faisons le plus beau métier du monde, ça c’est vrai!

mercredi 16 mars 2011

Actulire: Gen d'Hiroshima et crise nucléaire au Japon

Nous inaugurons aujourd'hui une nouvelle catégorie de billets: actulire.

Nos connaissances comme nos expériences imprègnent évidemment notre perception de l'actualité. Nos lectures influencent elles aussi la façon dont nous déchiffrons un événement. Nous vous présentons ici une oeuvre, pas nécessairement connue, ni récente, mais dont la lecture permet d'apprécier différemment un sujet d'actualité.

En guise d'étrenne, une oeuvre pour vous faire voir autrement la crise nucléaire au Japon: Gen d'Hiroshima, de Keiji Nakazawa.

Gen d'Hiroshima. Quatrième de couverture du tome 01 (2005, Vertige Graphic).


Le vendredi 11 mars 2011, le Japon a connu le plus important séisme de son histoire, entraînant rapidement un tsunami. Depuis, des tremblements de terre en série frappent l'archipel. Ces bouleversements successifs ont fragilisé plusieurs centrales nucléaires nippones. À Fukushima Daiichi, la situation est telle qu'on envisage présentement que survienne l'un des plus graves accidents de l'histoire du nucléaire civil. Les circonstances sont si inquiétantes qu'elles ont incité certains pays à interrompre l'activité de leurs propres réacteurs nucléaires, voire à suspendre de simples projets de construction de centrales.

Dans ce contexte, un minimum de connaissances en histoire contemporaine amène naturellement à penser à Hiroshima et Nagasaki.

Hiroshima Peace Memorial Park, par karma-police, sous licence CC de type BY-NC-ND 2.0.


Depuis que les humains «maîtrisent» l'énergie nucléaire, plusieurs accidents sont survenus, dont le plus grave est sans conteste la catastrophe de Tchernobyl. Plusieurs bombardements en des lieux isolés ont servi à des fins d'expérimentation. Les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki sont par contre les seuls de l'histoire à avoir servi en contexte de guerre.

Les centaines de milliers de morts causées par ces bombardements, les souffrances manifestes des survivants n'ont apparemment pas dissuadé les Japonais d'exploiter éventuellement à leur tour le nucléaire. C'est un constat troublant, que la lecture de Gen d'Hiroshima peut peut-être éclairer. Un peu.

Gen d'Hiroshima, ou Hadashi no Gen, est l'oeuvre de Keiji Nakazawa. Il s'agit d'un manga, une bande dessinée japonaise. Gen d'Hiroshima compte dix tomes, publiés à partir de 1973. L'ensemble de la série traduite en français a été publiée à partir de 2003.

Le récit de Nakazawa, en partie autobiographique, dépeint le contexte dans lequel le bombardement est survenu à Hiroshima, l'événement en lui-même, puis, durant neuf tomes, les efforts du héros pour survivre dans un monde certainement post-apocalyptique.

Nakazawa décrit, ou plutôt dénonce la guerre, la culture militariste et impérialiste du Japon pas encore vaincu, l'horreur, les multiples horreurs de l'événement lui-même, mais aussi la dureté de la société d'après-guerre à Hiroshima, la difficulté de simplement survivre dans un tel contexte, les machinations entre certaines élites et l'occupant américain, la censure dont souffrent les survivants du bombardement qui tentent de témoigner de ce qu'ils ont subi, les abus dont sont victimes les plus faibles, le désintérêt voire le rejet des Japonais qui n'ont pas connu les bombardements fatidiques pour ceux-ci et leurs survivants...

Par moment, le portrait que peint Nakazawa de la société japonaise des années 40 et 50 en pleine crise contraste avec celui qui est fait de celle d'aujourd'hui, à nouveau en crise. Changement d'époque ou généralisations hâtives des médias? La description de Nakazawa, malgré le traitement parfois caricatural, semble plus nuancée, et donc d'autant plus convaincante. Peut-être plus disciplinés que nous, Occidentaux, les Japonais n'en savent pas moins être égoïstes et profiteurs à leur heure. Le silence imposé aux hibakusha sur leur expérience traumatisante, bien qu'il n'ait pas résisté jusqu'à nos jours (à preuve, la parution de Gen d'Hiroshima dès 1973), ainsi que la discrimination qu'ils ont subi, expliquent quand même peut-être en partie une certaine ignorance et donc que les Japonnais n'aient pas été plus craintifs face à l'utilisation du nucléaire chez eux. Enfin, malgré certaines divergences, un élément revient aussi bien dans Gen d'Hiroshima que dans les médias ces temps-ci: la résistance, l'endurance, la ténacité, en somme la résilience des Japonais. Gen s'accroche ainsi tout au long du récit aux paroles de son père: «Le blé bourgeonne en hiver et on le piétine maintes et maintes fois. Mais il s'enracine solidement et il pousse bien droit malgré le gel et les tempêtes de neige. Sois aussi fort que lui.»

Je vous recommande sans réserve Gen d'Hiroshima. Un récit bouleversant, qui nous en apprend sur une tragédie dont on ignore trop souvent la portée, mais qui n'est toutefois pas exempt d'épisodes drôles ou plus heureux. Une belle façon aussi de découvrir le manga!


Pour en savoir plus sur Gen d'Hiroshima et Keiji Nakazawa

Pour en savoir plus sur la crise actuelle au Japon

Ressources québécoises:

Autres ressources francophones:

Autres ressources:

Aerial of Sendai, Japan, following earthquake, par Official U.S. Navy Imagery, sous licence CC de type BY 2.0.

vendredi 19 novembre 2010

Réponse à l'article de La Presse: Profession: bibliothécaire 6/6

Une autre réponse, la mienne, à l'article de Jade Bérubé, «Profession: bibliothécaire», paru dans La Presse récemment:

Quand j'ai lu le texte de Jade Bérubé, «Profession: Bibliothécaire», je n'ai pas été surprise. C'est loin d'être la première fois que je tombe sur un article de presse portant sur ma profession et truffé d'erreurs. Mais compte tenu de la large diffusion du cahier spécial de La Presse - qui plus est, dans le cadre du Salon du livre de Montréal, il y a de quoi être particulièrement amer.

Les bibliothécaires sont des travailleurs de l'ombre, affirme le cliché. Pour votre information, l'exercice de notre profession n'exige pas que la détention d'un diplôme de maîtrise. Dans les faits, être bibliothécaire requiert une culture générale étendue, des compétences en gestion (de projets, des ressources humaines, etc.), un dévouement sans faille à sa clientèle, des habiletés politiques, la maîtrise de systèmes informatiques complexes - devant être à la fois gérés et promus, la connaissance des différents milieux de la documentation, de se garder à jour constamment - particulièrement sur le plan des technologies, des compétences informationnelles solides, et j'en passe.

Les bibliothécaires partagent les mêmes idéaux que les journalistes: ainsi, ils se soucient au moins autant sinon plus de l'accès de leurs vastes clientèles à l'information. La recherche, l'évaluation et l'utilisation éthique de l'information sont au coeur des deux professions. De constater qu'un article contenant des erreurs factuelles aussi énormes soit publié, qui plus est par un quotidien aussi sérieux, nous heurte ainsi particulièrement.

Au regard de tout ce que notre profession exige, on pourrait croire que nous méritons un peu de considération, en particulier venant de personnes qui se qualifient comme nous de professionnels de l'information. Ce n'est visiblement pas le cas. En fait, les reportages traitant de façon grossière de notre profession s'accumulent et malgré nos lettres de protestation, nos demandes de correction, notre démarchage, rien n'y fait: on ne daigne même pas rétablir les faits.

Bien franchement, je ne m'attends à aucune réaction de La Presse malgré les fautes flagrantes relevées encore une fois dans un de ses articles et les réactions nombreuses de mes collègues. C'est malheureux, mais depuis le temps, je ne m'attends même plus à ce que les choses changent. Bien que les enjeux qui nous préoccupent soient complexes et cruciaux pour notre société, malgré le fait que nous sommes souvent des sinon les experts sur plusieurs sujets d'actualité (le livre électronique, pour ne citer que lui, vous pensez que nous l'attendons passivement?), même quand nous prenons le temps de rectifier, apparemment, pour bien des acteurs des médias, notre profession et ceux qui la pratiquent ne méritent que de servir de remplissage via des textes à tout le moins ordinaires.

À quelques mois de commencer ma maîtrise, j'étais tombée sur ces phrases en parcourant The Sandman, l'oeuvre phare de Neil Gaiman. Des paroles qui sembleraient prétentieuses venant d'un bibliothécaire, mais... non, elles proviennent plutôt d'un auteur contemporain considérable du monde anglo-saxon. M'est avis que certains auraient besoin de méditer sur le sens de ces propos...

«I ran across a book recently which suggested that the peace and prosperity of a culture was solely related to how many librarians it contained. Possibly a slight overstatement. But a culture that doesn't value it's librarians doesn't value ideas and without ideas, well, where are we?»

mercredi 17 novembre 2010

Réponse à l'article de La Presse: Profession: bibliothécaire 5/6

Autres réactions, suite. Celle-ci nous provient de Marie-Chantal Paraskevas, bibliothécaire en milieu scolaire:

A qui de droit

Par la présente, je souhaiterai signifier ma grande déception à la suite de la lecture de l'article " Profession : Bibliothécaire" signé par Jade Bérubé, le 13 novembre dernier.
Déception de voir qu'en 2010, notre profession ne soit pas plus connue (pour ne pas dire reconnue) que ça, et de savoir que des articles peuvent être rédigés et publiés sans validation aucune.
On pourrait en écrire beaucoup sur cet article, mais mon emploi du temps en tant que bibliothécaire d'une commission scolaire (et donc desservant à moi seule, vingt et une écoles primaires et quatre écoles secondaires, ne me permettra pas d'aller plus en détails), alors voici, en gros, ce sur quoi j'aimerais attirer l'attention de Madame Bérubé et du journal.

Vous dîtes que c'est un métier qui disparaît, qu'aucun poste rémunéré n'est ouvert spécialement pour la gestion des bibliothèques, que le manque de ressources se fait cruellement sentir et les bibliothèques sont souvent désertées, soit! Mais en tant que "journaliste", ne trouvez-vous pas qu'il manque une suite logique à toutes ses affirmations? Une suite, du style: "Comment se fait-il que c'est ainsi?"
En essayant d'y répondre, vous vous seriez rendu compte, que la réalité est quelque peu différente. Que depuis 2005, il y a le Plan d'action sur la lecture à l'école mis de l'avant par le Ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport. Ce plan d'action promeut entre autres l'embauche de bibliothécaires professionnels (MSI) et l'achat de livres de qualité et variés pour les bibliothèques scolaires.

J'aurais beaucoup plus "classé" votre article sous la rubrique : Personnalité de la semaine : Madame Lise Bergeron-Proulx, parent-bénévole à la bibliothèque de l'école (à qui je lève sincèrement mon chapeau pour son dévouement), et j'aurais rédigé un article sur la place de la lecture et du livre dans nos écoles et dans notre société au sens large.

Quand nous savons qu'il ya un lien direct entre le goût de lire et la réussite scolaire, comment se fait-il que l'accent premier et primordial ne soit pas mis sur la lecture.
Comment se fait-il que les commissions scolaires n'engagent pas plus de bibliothécaires professionnels alors que tous les incitatifs sont là? Est-ce que l'enveloppe budgétaire pour l'achat de livres pour les bibliothèques scolaires est vraiment utilisé à bon escient? Est-ce des livres de Qualité qui sont achetés? Est-ce que la bibliothèque scolaire a une place dans l'école, ou est-ce un local pour le service de garde, de réunion, une salle à lunch et j'en passe?

Comme vous voyez, vous pourriez écrire une tonne d'articles sur les bibliothèques et les bibliothécaires scolaires et j'espère que vous le feriez. Mais, de grâce, sachez faire la part des choses.

Marie-Chantal Paraskevas
Bibliothécaire professionnelle

Réponse à l'article de La Presse: Profession: bibliothécaire 4/6

D'autres réactions, suite. Voici la réponse envoyée à La Presse par Lyne Rajotte, bibliothécaire en milieu scolaire:

Quelle déception! Sept ans d’études postsecondaires pour qu’un journal aussi prestigieux que La Presse titre « Profession : Bibliothécaire » pour désigner une bénévole qui donne de son temps à la bibliothèque scolaire de son quartier. Je suis tour à tour triste par ce manque de rigueur journalistique de votre collaboratrice Jade Bérubé et en colère pour sa méconnaissance complète de mon passionnant métier. Et elle a eu l’immense privilège de signer un article dans un cahier de La Presse. C’est une honte pour votre journal!

Annuellement, dans ma pratique, j’attends ce cahier spécial de La Presse publié en vue du Salon du livre de Montréal. Je le lis d’un couvert à l’autre et, même que, je m’y réfère plusieurs semaines après l’évènement parce que je le conserve et trouve les entrevues et articles souvent pertinents. Désormais je ne pourrai plus y accorder foi, je m’en déferai aussitôt l’évènement passé. J’ai toujours pensé que le terme « collaboration spéciale » signifiait qu’on allait chercher une personne ayant un « petit plus » pour parler d’un sujet précis. Je constate que non, la « collaboration spéciale » à La Presse n’est pas un synonyme d’excellence. Heureusement, il nous reste le cahier du journal Le Devoir.

Cordialement,
Lyne Rajotte
Bibliothécaire professionnelle

Réponse à l'article de La Presse: Profession: bibliothécaire 3/6

D'autres réactions. Comme quoi notre colère et notre indignation ne peuvent demeurer silencieuses. Voici la lettre de Brigitte Moreau, bibliothécaire en milieu scolaire, envoyée à La Presse:

Bonjour,

J'aimerais dire à la soi-disant journaliste Jade Bérubé qu'avant de se commettre par écrit un journaliste doit d'abord aller à la cueillette d'informations puis valider ses sources.

On ne devient pas médecin parce qu'on pose un diachylon sur le bobo d'un enfant, pas plus qu'on ne devient bibliothécaire parce qu'on classe des livres dans la bibliothèque de l'école. Sachez, Madame, qu'être bibliothécaire est une profession qui demande un diplôme de deuxième cycle, ou une maîtrise en bibliothéconomie et en science de l'information.

Sachez que même s'ils sont peu nombreux, les bibliothécaires scolaires existent! Et qu'avec le plan d'embauche du MELS, ils et elles seront de plus en plus nombreux-ses.

Sachez également qu'il y a aussi plusieurs techniciens et techniciennes en documentation dans nos écoles, qui sont eux aussi spécifiquement formés-ées!

Militons ensemble pour les vrais combats et cessez, Madame, de parler au travers de votre chapeau!

Brigitte Moreau, bib. prof.