lundi 21 novembre 2011

Mais où sont les loups dans la bibliothèque?

Cela fait déjà plus d’un an et demi que je suis entrée dans le monde des bibliothèques scolaires. Cette année m’a permis, entre autres, de me faire une idée des diverses problématiques qui ont cours dans les bibliothèques de la commission scolaire. Comme nous avons été relégués aux oubliettes pendant si longtemps, comment pouvons-nous nous attendre à ce que les gens reconnaissent immédiatement tout notre savoir-faire et nos aptitudes? Il faut, en grande majorité, partir de zéro. Il faut expliquer, convaincre, argumenter, expliquer encore et démontrer tout ce que la bibliothécaire et la bibliothéconomie peuvent apporter de bon au monde scolaire. Et aux bibliothèques scolaires.

L’un des problèmes les plus fréquemment rencontrés est celui du système de classement des livres sur les rayons. Dewey est le système par défaut dans mon milieu. Le catalogue collectif des écoles primaires ne permet pas à une école de faire des modifications particulières à la classification sans affecter toutes les autres bibliothèques du réseau. Il est donc théoriquement impossible de se fabriquer soi-même un système de classification. Je dis théoriquement, car la réalité est tout autre. 

L’effet de l’absence des bibliothécaires et celui d’un personnel de la documentation débordé et réduit en nombre a entraîné une perte continue de la compréhension sur le pourquoi et le comment de l’organisation d’une bibliothèque.

Les enseignants, ne sachant plus à quoi sert Dewey, bien trop aride et mystérieux pour l’œil du néophyte, ont décidé de s’approprier les livres et de les classer en un quelque chose de plus compréhensible pour eux. Cela a donné naissance à des classements maison de type collections, éditions et séries parmi lesquels règnent souvent la confusion la plus totale entre les trois (car la Courte échelle, vous en conviendrez, n’est pas une collection, mais une maison d’édition). Zoombira passe devant Québec-Amérique. L’alphabet est ainsi refait et « Z » vient avant « Q ». Parfois, ce sont le format et la couleur du livre qui guident le classement. Certains créent même un savant système d’autocollants avec des images représentants des thématiques ou tout simplement des petites pastilles de couleur signifiant quelque chose de bien précis pour celui ou celle qui l’a décidé ainsi. Que se passe-t-il quand la personne qui a inventé ce système quitte? De façon générale, ses connaissances partent avec elle…et la confusion s’installe chez ceux qui restent.

Je dois dire que de façon générale, c’est la fiction qui goûte à ce traitement particulier, mais j’ai vu aussi des documentaires organisés partiellement de cette façon. On m’a déjà dit que les animaux avaient tous été regroupés ensemble…selon leurs collections respectives. 

Tous les livres de la collection les « Yeux de la découverte » se retrouvent donc regroupés ensemble. Cette collection traite de sujets extrêmement variés et qui n’ont souvent absolument aucun lien entre eux.  

Comment font-ils pour se repérer? C’est là ma grande question que je n’hésite d’ailleurs pas à poser. Je tente de garder mon calme et je leur demande donc : mais où sont les livres qui traitent des loups? La réponse ne vient pas, car il n’y en a pas. À moins d’être doué d’une mémoire sans faille, comment savoir dans quelles collections on peut retrouver tous les livres qui portent sur les loups ou ceux qui ont un loup comme personnage principal? 

Je conviens qu’esthétiquement parlant, de belles rangées de livres de même couleur et de même format, c’est plaisant, mais ça ne sert absolument à rien si je ne peux pas retrouver tel livre qui traite des hommes préhistoriques ou des roches et minéraux. La recherche d’un titre en particulier devient particulièrement pénible, à cause de cette organisation aléatoire, et malheur au livre qui ne fait pas partie d’une collection! Il va tomber dans le donjon de la section DIVERS!

Les compétences informationnelles que les jeunes devraient acquérir ont leur base entre les murs de leur bibliothèque scolaire. D’où l’immense besoin de formation et d’orientation sur l’organisation et le classement en bibliothèque, sur la recherche au catalogue et sur le Web.
Je ne souhaite pas que mes propos soient interprétés de façon négative. Je constate les faits, parfois avec un peu d’humour car il en faut, mais je ne dirai pas que les bénévoles, enseignants, directions et autres qui ont tenté de faire fonctionner une bibliothèque au meilleur de leurs connaissances n’ont fait que des erreurs. Ils ont fait de leur mieux, c’est tout. Puis-je être juge de « leur mieux »? Peut-être bien, mais je ne le ferai pas. Je suis là pour aller les rencontrer afin de les aider à améliorer leur bibliothèque, à faire de cet endroit un milieu propice à la recherche, mais aussi à la lecture de pur plaisir. S’ils décident ensuite de poursuivre dans des façons de faire qui ne sont ni logiques, ni productives, ni éducatives (à mon sens), je devrai en faire mon deuil.

Je suis cependant convaincue de la pertinence et de la nécessité de notre travail en milieu scolaire. Avec l’année scolaire qui vient de recommencer, je constate à quel point notre expertise, nos connaissances et notre enthousiasme peuvent apporter des bienfaits extraordinaires aux élèves de nos écoles. Je crois que tout jeune a droit à l’accès à une collection cohérente, organisée, mise à jour, diversifiée, stimulante tant au niveau ludique qu’intellectuel, qui correspond à ses goûts et qui vient aussi soutenir le programme de formation de l’école québécoise. Je sais que tous les élèves méritent cela, peu importe s’ils sont lecteurs ou non. Il faut multiplier les rencontres avec les livres si on veut qu’un jour qu’ils lisent. C’est indéniable. Cependant, ce ne sont pas les élèves qu’il faut convaincre : ce sont les enseignants, les directions d’école que leur bibliothèque est un pivot essentiel à la motivation et à la réussite scolaire. Certains y croient dur comme fer, pour d’autres, ils ont besoin de preuves et ne voient pas trop ce que des livres et un espace accueillant et organisé peuvent avoir comme influence sur les jeunes. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, mais un manque de compréhension envers la mission de la bibliothèque scolaire. Ils ne savent pas toutes les merveilles qu’elle recèle. Il faut simplement leur montrer.

Alors, mon leitmotiv est : Former, former, former, instruire et partager (mes connaissances, mon enthousiasme et ma bonne humeur).

Petit conseil à tous/toutes les nouveaux/nouvelles bibliothécaires en milieu scolaire et à tous ceux et celles qui aspirent à y travailler : Soyez convaincu-e de ce que vous faites. Allez là où on veut de vous, soyez positif et enthousiaste (surtout enthousiaste, c’est contagieux je vous l’assure), ne prenez rien personnel, lâchez-prise et créez des partenariats avec des acteurs qui sont aussi convaincus que vous (certains ne demandent qu’à être convaincus). 

Nous faisons le plus beau métier du monde, ça c’est vrai!

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