vendredi 19 novembre 2010

Réponse à l'article de La Presse: Profession: bibliothécaire 6/6

Une autre réponse, la mienne, à l'article de Jade Bérubé, «Profession: bibliothécaire», paru dans La Presse récemment:

Quand j'ai lu le texte de Jade Bérubé, «Profession: Bibliothécaire», je n'ai pas été surprise. C'est loin d'être la première fois que je tombe sur un article de presse portant sur ma profession et truffé d'erreurs. Mais compte tenu de la large diffusion du cahier spécial de La Presse - qui plus est, dans le cadre du Salon du livre de Montréal, il y a de quoi être particulièrement amer.

Les bibliothécaires sont des travailleurs de l'ombre, affirme le cliché. Pour votre information, l'exercice de notre profession n'exige pas que la détention d'un diplôme de maîtrise. Dans les faits, être bibliothécaire requiert une culture générale étendue, des compétences en gestion (de projets, des ressources humaines, etc.), un dévouement sans faille à sa clientèle, des habiletés politiques, la maîtrise de systèmes informatiques complexes - devant être à la fois gérés et promus, la connaissance des différents milieux de la documentation, de se garder à jour constamment - particulièrement sur le plan des technologies, des compétences informationnelles solides, et j'en passe.

Les bibliothécaires partagent les mêmes idéaux que les journalistes: ainsi, ils se soucient au moins autant sinon plus de l'accès de leurs vastes clientèles à l'information. La recherche, l'évaluation et l'utilisation éthique de l'information sont au coeur des deux professions. De constater qu'un article contenant des erreurs factuelles aussi énormes soit publié, qui plus est par un quotidien aussi sérieux, nous heurte ainsi particulièrement.

Au regard de tout ce que notre profession exige, on pourrait croire que nous méritons un peu de considération, en particulier venant de personnes qui se qualifient comme nous de professionnels de l'information. Ce n'est visiblement pas le cas. En fait, les reportages traitant de façon grossière de notre profession s'accumulent et malgré nos lettres de protestation, nos demandes de correction, notre démarchage, rien n'y fait: on ne daigne même pas rétablir les faits.

Bien franchement, je ne m'attends à aucune réaction de La Presse malgré les fautes flagrantes relevées encore une fois dans un de ses articles et les réactions nombreuses de mes collègues. C'est malheureux, mais depuis le temps, je ne m'attends même plus à ce que les choses changent. Bien que les enjeux qui nous préoccupent soient complexes et cruciaux pour notre société, malgré le fait que nous sommes souvent des sinon les experts sur plusieurs sujets d'actualité (le livre électronique, pour ne citer que lui, vous pensez que nous l'attendons passivement?), même quand nous prenons le temps de rectifier, apparemment, pour bien des acteurs des médias, notre profession et ceux qui la pratiquent ne méritent que de servir de remplissage via des textes à tout le moins ordinaires.

À quelques mois de commencer ma maîtrise, j'étais tombée sur ces phrases en parcourant The Sandman, l'oeuvre phare de Neil Gaiman. Des paroles qui sembleraient prétentieuses venant d'un bibliothécaire, mais... non, elles proviennent plutôt d'un auteur contemporain considérable du monde anglo-saxon. M'est avis que certains auraient besoin de méditer sur le sens de ces propos...

«I ran across a book recently which suggested that the peace and prosperity of a culture was solely related to how many librarians it contained. Possibly a slight overstatement. But a culture that doesn't value it's librarians doesn't value ideas and without ideas, well, where are we?»